Le présent article fait partie de la collection d’articles se trouvant dans le livre Why I Preach from the Received Text, véritable recueil de témoignages de plusieurs pasteurs. Ces pasteurs ont écrit pour témoigner de leur conviction commune, à savoir que le Texte Reçu est le texte du Nouveau Testament particulièrement préservé par Dieu à travers les âges dans son Église. L’article que nous vous présentons est celui du pasteur Brent Evans, ministre de l’Évangile au sein de la Free Church of Scotland (Continuing).
« Écris aussi à l’ange de l’Église de Laodicée : L’Amen, le témoin fidèle et véritable, le commencement de la créature de Dieu, dit ces choses » (Apocalypse 3:14). L' »ange » de Laodicée avait un travail difficile devant lui, et cela est comparable au travail que nous avons devant nous aujourd’hui, nous, ministres de la Parole, en ces temps de tiède christianisme. Tout d’abord, nous avons un travail personnel, un travail de cœur à faire : « aie du zèle, et te repens » (v. 19). Ensuite, nous avons un travail à faire dans la prédication en tant qu' »anges » ou messagers de Christ. Tant notre travail de cœur personnel que notre travail de prédication publique commencent par la réception de la Parole écrite de Christ : « écris aussi à l’ange de l’Église de Laodicée […] » (v. 14).
Bien qu’il y ait de nombreuses raisons de le faire, cet article contient un élément de mon témoignage expliquant pourquoi je prêche à partir des Écritures qui ont été reçues de Christ par ses ministres et son Église depuis le début (cf. Deutéronome 31:9, 26 ; Romains 3:2), et ainsi pourquoi je n’adopte pas le texte toujours nouveau, et toujours incertain, promulgué très récemment par l’académie post-Lumières, où Dieu n’est pas craint. Après douze ans dans le ministère de l’Évangile, je me suis affermi dans la conviction que l’usage du Texte Reçu de l’Écriture est un point de départ important pour ce que nous pouvons appeler, en référence à Apocalypse 3:14, la prédication au nom de l’Amen.
En tant que prédicateurs, nous devons constamment nous stimuler afin de considérer à qui appartient la parole que nous manions. La gloire de Christ comme étant le grand prophète de son Église brille à travers le nom qu’il se donne : « L’Amen, le témoin fidèle et véritable ». « ‘Amen’ est un mot court », disait Richard Sibbes, « mais merveilleusement riche, plein de sens, plein d’esprit. » Il suggère trois significations de ce petit mot : « ‘Amen’ : il est ainsi. Voire, ‘Amen’ : il en sera ainsi. Voire, ‘Amen’ : il en soit ainsi, ou qu’il en soit ainsi » (Works, Vol. 6, p. 540). Dieu utilise ce mot pour sceller sa propre véracité, et nous l’utilisons pour signifier notre assentiment à sa vérité, notre confiance sincère en lui en tant que Dieu de vérité, et notre désir de l’accomplissement de sa Parole. Il y a quatre façons dont Christ est l’Amen pour son Église, par son Esprit et sa Parole écrite et prêchée.
Christ est l’Amen essentiellement. Christ ne dit pas simplement « Amen », mais il est l’Amen. Il est le « Dieu de vérité », ou « Dieu de l’Amen », comme le dit la parole (Ésaïe 65:16). Dans son éternité, il est immuablement fidèle. Dans sa justice, il ne peut mentir. Dans sa sagesse, il ne peut être perplexe ou incertain. Dans sa puissance, il ne peut être empêché d’accomplir sa Parole. Dans sa bonté, il ne serait pas cruel au point de parler faussement.
Christ est l’Amen extensivement. Il est l’Amen de toute la Bible, scellant tout le conseil de Dieu. Il valide tout l’Ancien Testament avec un « en vérité », ou « Amen » (Matthieu 5:17-18). Lorsqu’il expose la spiritualité de la loi, il ajoute son « en vérité », ou « Amen » (Matthieu 5:26). En effet, la présence même du mot hébreu « Amen » dans le Nouveau Testament grec indique que dans l’Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ, nous le prêchons comme l’accomplissement de tous les types et prophéties de l’Ancien Testament, maintenant présenté à toutes les nations pour qu’elles y croient.
Christ est l’Amen évangéliquement. Si Christ maintient tous les commandements et menaces contenus dans la Bible, il est surtout l’Amen des promesses. « Car tout autant qu’il y a de promesses de Dieu, elles sont oui en lui, et Amen en lui, à la gloire de Dieu par nous » (2 Corinthiens 1:20). L’Évangile est « un nouveau volume de vérités, qui n’auraient pas été vraies, s’il ne les avait pas rendues telles par son sang » (Thomas Goodwin, Christ Our Mediator, p. 102).
Christ est l’Amen expérimentalement. Christ seul ouvre l’intelligence et le cœur pour recevoir sa vérité. Il oint les yeux des aveugles pour qu’ils puissent voir. « Il y a un tel soulèvement intérieur du cœur, et une telle rébellion innée contre la vérité bénie de Dieu », disait Richard Sibbes, « qu’à moins que Dieu, par son bras fort, ne fasse fléchir le cœur, il ne voudra ni ne pourra jamais dire « Amen » » (Works, Vol. 6, p. 540).
Cela devrait faire naître en nous un désir sincère de vivre et d’œuvrer continuellement sous le regard de Christ, l’Amen ! Chaque fois que nous rencontrons le mot « Amen » dans les Écritures, il y a une occasion évidente d’élever nos cœurs vers Christ l’Amen, et de jouir de la communion avec lui dans la gloire de cette fidélité et de cette vérité qui imprègnent toute sa Parole. Notre Dieu qui promet est fidèle, et par conséquent la foi doit être professée sans faiblir, à commencer par nous qui prêchons (Hébreux 10:23).
Le texte critique moderne omet le mot « Amen » en de nombreux endroits du Nouveau Testament, là où le Texte Reçu le conserve. Peut-être que le cas le plus évident est celui où le texte critique omet « Amen » dans la conclusion du Notre Père (Matthieu 6:13). De plus, l' »Amen » est omis à la fin de chacun des quatre évangiles, ainsi qu’à la fin de 1-2 Corinthiens, Éphésiens, Philippiens, Colossiens, 1-2 Thessaloniciens, 1-2 Timothée, Tite, Philémon, Hébreux, 1-2 Pierre, 1-2 Jean, et Apocalypse. Bien que l' »Amen » semble avoir mieux réussi dans le texte critique aux endroits où il se trouve au milieu d’un livre du Nouveau Testament, il est aussi parfois omis dans ces cas, comme par exemple en Romains 16:20. Ce qui a été dit ci-dessus devrait faire comprendre qu’il s’agit là d’une question grave et importante. L’omission de toute occurrence du mot « Amen » ne serait pas simplement une question de style ou de formalité rituelle, mais une question relevant de la gloire de Christ, qui est l’Amen. Après réflexion, tant dans l’étude que dans la prédication, le mot « Amen » dans le Texte Reçu s’avère adapté à son contexte, et précieux pour le cœur des auditeurs sincères.
Le mot « Amen » renferme en son sein un argument fort en faveur de l’usage du texte de l’Écriture qui a été reçu et utilisé au cours des siècles, et non d’un texte récemment promu, provisoirement reconstruit. Moïse a commandé au peuple, lorsqu’ils ont confirmé l’alliance en Hébal et Guérizim, de dire « Amen » (Deutéronome 27:15 et suivants). Lorsque le moment était venu de le faire, Josué a pris le livre de la loi que Moïse avait écrit et confié aux Lévites (Deutéronome 31:9), et « il lut tout haut toutes les paroles de la loi, tant les bénédictions que les malédictions, selon tout ce qui est écrit au livre de la loi. Il n’y eut rien de tout ce que Moïse avait commandé, que Josué ne lût tout haut devant toute l’assemblée d’Israël […] » (Josué 8:34-35). Le peuple pouvait dire « Amen » parce que le livre de la loi avait été préservé. Ils pouvaient affirmer que l’Éternel était leur Dieu conformément aux termes de l’alliance qu’il avait non seulement fixés, mais qu’il leur avait transmis sans corruption dans les Écritures, qui avaient été providentiellement préservées et reçues dans l’Église de l’Ancien Testament.
Du côté de Dieu, l' »Amen » dit qu’il a fixé les termes de l’alliance de grâce qu’il nous offre. De notre côté, l' »Amen » dit que nous recevons son offre et ses termes comme authentiques, que nous croyons Dieu, et que nous le prenons pour notre Dieu. Si le livre de la loi avait été perdu, ou altéré, ou s’il y avait eu besoin d’un processus continu de récupération des mots que Moïse a écrits, le peuple du temps de Josué aurait dû retenir son « Amen » jusqu’à ce qu’il obtienne la clarté à propos de ce qu’était la Parole de Dieu pour lui. Selon cette logique, les critiques textuels modernes (ou post-modernes) devraient supprimer de la Bible chaque occurrence de l' »Amen », puisque leur texte est en constante évolution. En effet, si l' »Amen » est supprimé, le pécheur qui se tient en Hébal ne sera pas convaincu dans sa conscience qu’il mérite la malédiction de la loi, et donc ne ressentira pas le besoin de l’autel que Josué a érigé en Hébal (Josué 8:30). Lorsque l' »Amen » disparaît de la Bible, la malédiction de la loi et la bénédiction de l’Évangile disparaissent aussi.
Qu’a-t-on dit pour défendre les omissions de l' »Amen » dans le texte critique moderne ? Quoiqu’une étude approfondie dépasse le champ de cet article, il peut être utile de noter une déclaration de Paul D. Wegner dans son A Student’s Guide to Textual Criticism of the Bible : Its History, Methods & Results, dans lequel il fait référence à un exemple particulier. Dans sa section sur les « changements intentionnels » du texte, sous une sous-section sur les « ajouts et gloses », Wegner fait le commentaire suivant à propos de l' »Amen » à la fin de l’évangile de Luc : « Certains manuscrits de Luc 24:53 ajoutent le mot ἀμήν (« amen ») à la fin du verset, ce qui suggère que certains pensaient qu’un évangile devait se terminer de cette façon (voir les mss de Matthieu 28:20 ; A2, ∆, Θ, etc.) » (p. 54).
Wegner dit que « certains manuscrits » de Luc 24:53 « ajoutent le mot ἀμήν. » Au moment où nous écrivons ces lignes, l’Institut de recherche sur les textes du Nouveau Testament a catalogué 1 045 manuscrits grecs qui contiennent Luc 24:53 (ntvmr.uni-muenster.de/liste. Consulté le 31 mai 2021). Tandis que l’édition actuelle du texte critique ne semble répertorier que 14 manuscrits grecs (en omettant les lectionnaires, versions, et preuves patristiques) qui terminent l’évangile de Luc par le mot « Dieu » et qui omettent l' »Amen ». Ainsi, plutôt que de dire que « certains manuscrits » ajoutent un « Amen », il serait plus exact de dire qu’environ 99 % des manuscrits grecs existants sont des témoins de l’authenticité de l' »Amen » final de Luc. Cette majorité de témoins indique qu’à travers les siècles, l’Église de Christ a reçu et utilisé une version de l’évangile de Luc qui se termine par « Amen ». Luc se termine par « Amen » dans le Codex Alexandrinus (Ve siècle), dans de multiples manuscrits en onciales du IXe siècle, et dans de nombreux manuscrits en minuscules, incluant la tradition du texte byzantin. Les preuves existantes suggèrent que lorsque Tatien a écrit son Diatessaron au milieu du IIe siècle, la copie de l’évangile de Luc dont il disposait se terminait avec « Amen ». Même le texte « neutre » de Westcott et Hort, le Codex Vaticanus du IVe siècle, termine Luc par un « Amen ».
Parce que « certains manuscrits » ont un « Amen » à Luc 24:53, Wegner dit que cela suggère « que certains pensaient qu’un évangile devait se terminer de cette façon. » Cette déclaration se trouve dans la section de Wegner sur les « changements intentionnels », et il semble à cet endroit offrir une analyse des intentions des copistes qui ont modifié les Écritures. Cette déclaration est sujette à objection. Supprimer l' »Amen » reçu ecclésiastiquement en Luc 24:53 sur la base d’une minorité de témoins est une chose, mais spéculer sur la pensée intérieure des copistes qui ont supposément ajouté un mot à l’Écriture intentionnellement en est une autre. Les manuscrits témoignent de ce qu’ils ont écrit, mais pas de ce qu’ils pensaient. Suggérer, sans preuve, que certains scribes ont élevé la cohérence stylistique au-dessus de la fidélité à la Parole de Dieu est, au minimum, imprudent, et, au pire, peut s’apparenter à de la calomnie. C’est la Parole écrite de Dieu qui est capable de sonder nos cœurs (Hébreux 4:12), et non pas nous qui sommes capables de sonder les cœurs de ceux qui l’ont copiée.
L’absence de l' »Amen » final de Luc dans des manuscrits anciens comme P75 et Codex Sinaiticus, tous deux sortis de l’obscurité dans l’histoire récente, n’est pas une raison suffisante pour renverser le texte que Dieu a providentiellement préservé dans son Église dans tous les âges, et que son Église a reçu parce qu’il est la Parole de Dieu (cf. Confession de foi de Westminster, 1.4 et 1.8). À l’heure actuelle, nous n’avons peut-être pas suffisamment de lumière pour expliquer pleinement pourquoi il y a des variations dans les manuscrits, mais nous avons suffisamment de lumière pour reconnaître et recevoir l' »Amen » final de Luc, et les autres « Amen » dans le Texte Reçu de l’Écriture, comme étant la Parole de Dieu.
Il est approprié que Luc ait terminé son évangile par un « Amen » après avoir commencé sur une note de certitude : « afin que tu connaisses la certitude des choses dont tu as été informé » (Luc 1:4 ; emphase ajoutée). Matthew Henry semble avoir pensé que les auditeurs pourraient même se joindre à leur « Amen » à la conclusion de la lecture de cet évangile :
L’amen qui conclut semble être ajouté par l’Église et chaque croyant lors de la lecture de l’évangile, signifiant un assentiment aux vérités de l’évangile, et un concours sincère avec tous les disciples de Christ dans la louange et la bénédiction de Dieu. Amen. Qu’il soit continuellement loué et béni.
Alors que Henry suggère que l' »Amen » a été « ajouté » par l’Église, il semble qu’il ait voulu dire quelque chose de différent de ce que Metzger a voulu dire lorsque, dans son Textual Commentary, il a appelé cet « Amen » un « ajout liturgique introduit par les copistes » (p. 191). Metzger parlait d’une altération de l’évangile de Luc. Henry parlait d’un effet ou d’un fruit total de l’évangile de Luc, l' »Amen » de la foi, élevé par et avec l' »Amen » final du texte lui-même. Quelle sagesse de la part de Dieu le Saint-Esprit qu’il ait inspiré le mot final « Amen », afin qu’il soit là dans le texte, et qu’il soit ensuite repris sur les lèvres de ceux dans les cœurs desquels il travaillerait la foi par la Parole !
Frères, prêchons avec confiance à partir des Écritures que nous avons reçues de l’Amen qui a écrit aux « anges » de ses Églises. Pendant que les critiques textuels spéculent sur ce que la Bible a pu dire, nous, les prédicateurs, devrions continuer à offrir le testament scellé de Christ aux pécheurs en perdition, en suppliant les hommes d’y ajouter leur « Amen ». Dans notre congrégation, lorsque nous avons pris part au sacrement de la cène, qui scelle le testament, nous concluons en chantant la traduction métrique du psaume 72. Comme il est glorieux d’élever nos cœurs et nos voix vers le ciel lorsque nous chantons à la fin le double « Amen » !
His name forever shall endure; last like the sun it shall:
Men shall be blessed in him, and bless’d all nations shall him call.
Now blessed be the Lord our God, the God of Israel,
For he alone doth wondrous works, in glory that excel. And blessed be his glorious name to all eternity:
The whole earth let his glory fill. Amen, so let it be.

Révérend Brent C. Evans est pasteur de la Reformation Presbyterian Church, Free Church of Scotland (Continuing), à Snellville (Georgia).
Lorsqu’on demande à des personnes leur conviction à propos du Texte Reçu, seule une très infime minorité d’entre elles sait de quoi il est question même en milieu protestant. Peut-on leur reprocher cette ignorance si personne ne les instruit ?
Le beau et rafraîchissant plaidoyer du pasteur Brent Evans en faveur du Texte Reçu à partir de l’occurrence du mot « Amen » se présente donc comme un antidote plus que pertinent à cette regrettable situation. En effet, le discrédit que les partisans de la critique textuelle moderne jettent sur les manuscrits majoritaires depuis plus d’un siècle coïncide avec le considérable développement de la théologie libérale et par voie de conséquence avec le recul de l’influence du christianisme dans la société. On peut donc se demander s’il s’agit d’une simple concomitance ou d’un connivence assumée ?
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