Il ne fait aucun doute que Calvin fût le pionnier du chant des psaumes pour sa génération et que les églises Réformées se sont rapidement fait connaître pour leur chant des psaumes. Il est plus difficile de prouver que Calvin et les différentes églises de la tradition Réformée, alors en plein développement, pratiquaient à l’époque la Psalmodie Exclusive (PE) au sens où nous l’entendons aujourd’hui car nous avons peu de conciles qui traitaient directement de cette question. La position de Calvin est cependant beaucoup plus proche de celle de la Psalmodie Exclusive et, en fait, elle est en pratique sinon par un principe établi, essentiellement la même. Réfléchissez :

1) À l’époque de la Réforme, les Psaumes n’étaient pas facilement accessibles pour être chantés en Français (ou dans toute autre langue européenne). Calvin a dû demander au poète Français Clément Marot (et plus tard à Claude Goudimel) d’écrire les Psaumes en mètre, ce qui exigea beaucoup de temps et d’argent. Au départ, le livre de chant Genevois était donc un assemblage de divers psaumes et d’autres cantiques.

2) Cependant, en parcourant les différentes éditions du Psautier Genevois, on constate qu’au fil du temps, les hymnes ont été moins nombreux, au point que, dans l’édition finale (1562), les 150 psaumes n’étaient accompagnés que du Cantique de Siméon et des Dix Commandements. Dans ce cas, nous avons des psaumes bibliques et deux chants inspirés tirés de l’Écriture. Et ce n’est pas comme si des hymnes non inspirés n’étaient pas disponibles à l’époque :

« Le Livre des Cantiques de Constance de 1540, qualifié par Hughes Old de ‘l’un des monuments les plus importants de l’histoire de la liturgie Réformée’, comprenait, entre autres, des cantiques de Zwingli, Leo Jud, Luther, Wolfgang Capito et Wolfgang Musculus ».

Terry Johnson, The History of Psalm Singing in the Christian Church

En fait, l’église Réformée s’est rapidement distinguée des Luthériens par son utilisation délibérée des Psaumes dans le culte.

3) Calvin « négocia » le chant des psaumes lors de son retour à Genève. Il déclare dans sa proposition d’une Discipline d’Église que :

« L’autre partie concerne les psaumes, que nous souhaitons voir chanter dans l’église, à l’exemple de l’ancienne Église, et selon le témoignage de Saint Paul, qui disait que c’était une bonne chose de chanter dans l’assemblée avec la bouche et le cœur » (une référence évidente à Ephésiens 5:19).

Louis F. Benson, John Calvin and the Psalmody of the Reformed Churches

4) La citation suivante, tirée de la Préface de Calvin au Psautier de Genève de 1543, indique non seulement une préférence pour les Psaumes mais aussi leur supériorité évidente par rapport à tous les autres chants :

« Par quoy quand nous aurons bien circuit par tout pour cercher çà et là, nous ne trouverons meilleures chansons ne plus propres pour ce faire, que les Pseaumes de David ; lesquels le sainct Esprit luy a dictés et faicts.  Et pourtant, quand nous les chantons, nous sommes certains que Dieu nous met en la bouche les paroles, comme si luy-mesme chantoit en nous, pour exalter sa gloire ».

5) Les successeurs de Calvin en France, les Huguenots, étaient célèbres pour leur chant des Psaumes :

« Pour les premiers protestants français, le livre de Psaumes était une entité – la Parole de Dieu en possession personnelle des plus humbles, le symbole ainsi que le véhicule de leur nouveau privilège de communion personnelle avec Dieu. Connaître les Psaumes devint un devoir primordial ; et le chant des Psaumes devint le cultus Réformé, la note caractéristique distinguant son culte de celui de l’Eglise Catholique Romaine… Il n’est pas possible de concevoir l’histoire de la Réforme en France de telle manière que le chant des Psaumes n’y occupe pas une place primordiale ».

Benson, ibid.

6) Sous l’influence de Calvin (ou peut-être après), la plupart, sinon toutes les églises Réformées et Presbytériennes se mirent à pratiquer la Psalmodie Exclusive, ou du moins refusèrent de chanter des chants de simple composition humaine. La puissance de ces psaumes (pour évincer les autres chants) est manifeste par le fait que les hymnes de composition humaine ne se sont répandus qu’à la fin du 18e et au début du 19e siècle, lorsque les influences du monde commencèrent à balayer les anciennes convictions des églises Réformées.

1) Q. Calvin a-t-il, comme certains le prétendent, écrit un hymne non inspiré qu’il avait l’intention d’utiliser dans le cadre du culte public ?

R. Il est presque certain que non. Un hymne lui a été attribué à tort, mais il affirma lui-même en 1557 n’avoir écrit qu’une seule composition poétique au cours des 25 années précédentes, à savoir un poème épique écrit en 1541. (voir Did John Calvin Author a Hymn ? de R. Andrew Myers).

2) Q. Que nous disent les Psautiers que Calvin a produits, et sa liturgie Française, sur le culte public à Strasbourg ou à Genève et le point de vue de Calvin sur le contenu approprié de la louange ?

R. Le premier Psautier de Calvin (Strasbourg) de 1539 contenait 19 Psaumes (ce n’est qu’en 1562 que les 150 Psaumes complets furent versifiés), le Cantique de Siméon, les Dix Commandements métriques et le Credo des Apôtres en prose. Son Psautier de Genève de 1542 contenait des versions métriques du Notre Père, des Dix Commandements, du Cantique de Siméon et du Credo des Apôtres. Sa Liturgie de 1542 (La Forme des prières et chantz ecclésiastiques) prévoit le chant ou la récitation du Credo des Apôtres lors de la célébration de la Sainte Cène (Horton Davies, dans The Worship of the English Puritans, montre que le Cantique de Siméon devait être chanté lors de la Sainte Cène, mais seulement à Strasbourg après le départ de Calvin). Le Psautier de Genève de 1542 indique également dans la préface que « quand nous aurons bien circuit par tout pour cercher çà et là, nous ne trouverons meilleures chansons ne plus propres pour ce faire, que les Pseaumes de David ; lesquels le sainct Esprit luy a dictés et faicts ». D’autres révisions du Psautier Genevois furent effectuées en 1543, 1551 et 1562 (Bèze le révisa encore légèrement en 1587 après la mort de Calvin).

En 1562, le Credo des Apôtres fut éliminé du Psautier de Genève. Étant donné qu’il s’agissait de la version finale du Psautier de Genève du vivant de Calvin, il représente sa réflexion la plus aboutie sur le sujet, à savoir que le Credo des Apôtres métrique ne devait pas être incorporé dans le Psautier utilisé par sa congrégation. La présence d’autres cantiques métriques, qui n’étaient pas des Psaumes, montre que seul un texte inspiré était jugé approprié pour la louange, et il faut se rappeler que tout texte, même métrique, dans un Psautier, n’était pas nécessairement utilisé ou destiné à être utilisé pendant le culte public. Certains cantiques Bibliques métriques pouvait être utilisés dans le cadre d’un exercice de dévotion privé. Nous devons noter ces diverses limitations au fil du temps et observer que la pratique apparente de Calvin à Genève tendait de plus en plus vers la Psalmodie Exclusive, et peut-être l’atteignit-elle aussi.

3) Q. Que pouvons-nous apprendre, partir des principes qu’il a établis concernant le culte Biblique et le chant des Psaumes, sur la vision de Calvin quant à la Psalmodie dans le culte ?

R. En de nombreux endroits, Calvin enseigna clairement que tout culte non sanctionné par les Écritures constituait une idolâtrie. Des siècles avant que le terme « Principe Régulateur du Culte » ne soit inventé, Calvin l’avait articulé.

« Je sais combien il est difficile de persuader le monde que Dieu désapprouve tous les modes de culte qui ne sont pas expressément sanctionnés par Sa Parole. La persuasion opposée qui s’attache à eux, étant ancrée, pour ainsi dire, dans leurs os et leur moelle, est que tout ce qu’ils font possède en soi une sanction suffisante, à condition qu’ils fassent preuve d’une sorte de zèle pour l’honneur de Dieu. Mais puisque Dieu ne considère pas seulement comme inutile, mais qu’il abomine aussi clairement, tout ce que nous entreprenons avec zèle pour Son adoration, si cela est contraire à Son commandement, que gagnons-nous à suivre une voie contraire ? » (Sur la Nécessité de Réformer l’Église).

« Afin que nous comprenions bien que les cultes imaginés par les hommes sont détestables » (Institution de la Religion Chrétienne, I.XI.4).

« Bien que Moïse ne parle que d’idolâtrie, il ne fait aucun doute que par synecdoque, comme dans tout le reste de la Loi, il condamne tous les services fictifs que les hommes, dans leur ingéniosité, ont inventés ». (Commentaire sur l’Exode 20:4).

« Lorsque les hommes se permettent d’adorer Dieu selon leurs propres fantaisies, et qu’ils ne se conforment pas à ses commandements, ils pervertissent la vraie religion » (Commentaire sur Jérémie 7:31).

Calvin n’écrivit jamais d’hymne et n’encouragea jamais le chant d’hymnes non inspirés (il y a une ambiguïté dans ce qu’il croyait quant au Credo des Apôtres, à savoir s’il fut écrit par les Apôtres ou non). Il a cependant produit un Psautier et il a encouragé le chant des psaumes. Ses dernières remarques sur la terminologie paulinienne des « psaumes, hymnes et cantiques spirituels » affirment qu’aucune distinction significative n’est en vue (ce qui concorde avec l’interprétation Puritaine selon laquelle Paul se référait au Psautier par l’utilisation des trois termes) :

« Maintenant, Saint Paul nous présente des cantiques, des psaumes et des hymnes qui ne diffèrent guère les uns des autres, et il n’est donc pas nécessaire de chercher à nous divertir en établissant une distinction subtile entre eux ».

Sermons on Ephesians (5, 18-21), p. 552-553.

Il visait à réformer le culte et croyait que l’église primitive chantait des psaumes :

« Toutefois nous recueillons aussi de ce passage, qu’alors la coutume de chanter était usitée entre les fidèles, comme Pline aussi en témoigne, lui qui, écrivant quarante ans ou environ après la mort de S. Paul, dit que les chrétiens avaient l’habitude de chanter des louanges et des cantiques à Jésus-Christ le matin avant le point du jour. Et je ne doute point que dès le commencement ils n’aient suivi l’habitude qu’on avait dans l’Église des Juifs de chanter les Psaumes ».

Commentaire sur 1 Corinthiens 14:15.

Tous les éléments dignes de foi nous amènent à la conclusion qu’en principe et en pratique, Calvin, dans ses dernières années et sa réflexion la plus aboutie, s’en tenait à la Psalmodie Exclusive ou en était très proche.

Cet article a été adapté des commentaires de Daniel Kok et R. Andrew Myers lors d’une discussion sur les réseaux sociaux et publié ici avec leur permission.

Voir aussi « Calvin and the Origins of Reformed Psalmody », chapitre 6.2 dans Songs of Zion : The Biblical Basis for Exclusive Psalmody de Michael Bushell.

L’article original de Paul Barth est disponible ici.

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