UnPresbytérien est heureux de vous présenter une nouvelle série d’articles sur les grands hommes de notre Église. Cette semaine, nous vous présentons Hugh Miller.

Le tableau de David Octavius Hill (voir ci-bas) dépeignant la première assemblée générale de l’Église libre laisse apparaitre un homme assis, à droite de la table, revêtu d’un magnifique tartan écossais et se servant de son chapeau comme d’un support pour prendre des notes. Cet homme c’est Hugh Miller. Un maçon devenu journaliste à succès et géologue respecté. Plus encore, un simple maçon devenu la voix de l’Église libre et dont la fin dramatique n’aura eu d’égal que la vie intrépide et le zèle pour la liberté et la vérité. C’est un homme génial, emporté et émouvant que nous vous proposons de découvrir dans cet article. Un homme ayant marqué l’histoire de notre Église sans jamais avoir été pasteur. Notable !

I. Enfance et éducation (1802-1819) 

Hugh Miller nait à Cromarty, au nord d’Inverness, le 10 octobre 1802. Il est le premier des trois enfants d’Hugh et Harriet Miller, qui ont alors une bonne situation. Hélas la vie frappe durement la famille Miller lorsqu’en 1807, Hugh, le chef de famille, meurt tragiquement en mer. Orphelin de père à seulement 5 ans, le petit garçon pourra néanmoins compter sur ses oncles James et Alexander pour parfaire son éducation et faire office de figures paternelles. Ces derniers vont d’ailleurs lui communiquer deux grandes vertus : l’amour de la lecture et l’amour de la création, suscité à la faveur de longues marches sur la plage. 

En 1816 le jeune garçon connait un nouveau coup dur avec le décès de ses deux petites sœurs. Il devient un enfant turbulent, au caractère rebelle, et met fin à son cursus scolaire à l’âge de 17 ans seulement. Ses proches, alors très inquiets pour son avenir, se demandent bien ce que le jeune homme pourra faire de sa vie. 

II. Le maçon (1820-1825)

En 1820 le garçon débute un apprentissage en maçonnerie, qu’il achèvera en 1822. Le travail, extrêmement rude, lui permet de canaliser sa fougue et son énergie. Mais la pénibilité de sa condition finit par le rattraper : Miller traverse d’intenses périodes de dépression. En novembre 1822, il se plaint de douleurs dans la poitrine et crache du sang. Il lui faudra de longs mois avant de récupérer. 

Son apprentissage terminé, le jeune homme décide de devenir maçon itinérant. Assez vite cependant, la solitude se fait ressentir. Miller est ostracisé par ses collègues ouvriers avec lesquels il ne partage pas les mêmes valeurs morales. 

III. Retour au bercail (1825-1839)

En 1825 Miller retombe malade. Cette fois-ci, il est touché par la maladie des tailleurs de pierres, une forme de tuberculose semble-t-il, due à la poussière dégagée par les pierres. Il  est contraint de retourner dans la maison familiale, à Cromarty, pour y être soigné. C’est à ce moment-là qu’intervient le tournant de sa vie, sous la forme de deux évènements remarquables : 

  1. Premièrement, sa conversion. Deux hommes joueront un rôle décisif dans la conversion de Miller : John Swanson, son ami d’enfance devenu étudiant en vue du ministère, qui ne cessera de prier pour lui et de l’exhorter à se tourner vers le Christ. C’est d’ailleurs sur ses instances qu’il commence à assister au culte public, où il rencontre Alexander Stewart, le pasteur de la congrégation, qui exercera également une grande influence sur lui. Miller devient alors un fervent presbytérien.
  2. Secondement, c’est à cette période que Miller débute sa carrière d’écrivain. Il rédige un premier recueil de poèmes, lequel ne rencontrera pas un franc succès. « Il est de notre devoir de dire à cet écrivain qu’il ferait plus en une semaine avec sa truelle qu’en un demi-siècle avec sa plume », jugera l’un de ses critiques. Mais le jeune homme ne se laisse pas si facilement décourager. Plus tard il fait la rencontre de Robert Carruthers, éditeur du Inverness Courrier, qui l’embauche comme correspondant local pour Cromarty.
    Dans les années 30, ce passionné de la création se met très sérieusement à l’étude la géologie, au point de devenir un ponte dans ce domaine et de publier plusieurs ouvrages de référence. Il faut cependant noter que Miller, un peu naïf quant à la connaissance accessible par les sciences naturelles, adoptera des opinions contraires à l’enseignement biblique sur l’âge de la terre et l’étendue du déluge. 

Autre fait notable, Miller épouse Lydia Fraser, avec laquelle il fondera une belle et heureuse famille. 

IV. La voix de l’Église libre (1839-1850)

En 1839, en plein « Dix ans de conflit », Miller va se signaler par un fait d’arme qui changera à jamais le cours de l’Histoire : sa plume bien affûtée, il rédige une lettre à l’attention du Lord Brougham, l’une des figures de proue de la controverse opposant l’Église et l’État, dans laquelle il défend le droit et le pouvoir des congrégations à choisir leur ministre. Ce courrier, très largement diffusé, marque la fin de l’anonymat pour Miller. Plus encore, il attire l’attention du parti orthodoxe et évangélique qui n’avait alors aucun média pour faire entendre sa voix. C’est ainsi qu’en 1840 Miller accepte de publier un journal qui fera la part belle au parti orthodoxe. Nous sommes le 15 janvier 1840, et le premier numéro du The Witness vient de paraître. 

Ce journal est un véritable journal. Il aborde toutes sortes de sujets et ne se cantonne pas seulement à la publication d’articles théologiques ou polémiques. Si les débuts sont modestes, le journal devient très vite une référence absolue dans le paysage national. Il finit même par concurrencer The Scotsman, le grand journal écossais.  

En 1843, au moment de la Disruption, Miller prend bien évidemment le parti de l’Église libre. Et par son journal, il fera entendre la voix de l’Église libre à tous les habitants du pays. Ainsi, on ne saurait sous-estimer l’importance de Miller et de son travail dans l’édification et la croissance de cette jeune Église. 

En 1846-1847 Miller est contraint de prendre part à la controverse la plus amère de toute sa vie. En effet, l’homme se retrouve obligé de lutter pour l’indépendance de son journal contre le Dr Candlish qui souhaitait que l’Église se l’approprie. Candlish échouera dans son projet. Mais ce conflit n’est pas sans conséquences puisqu’il conduit à une prise de distance entre Miller et The Witness d’un côté, et l’Église libre de l’autre.

V. Une fin tragique

Les années 50 vont être marquées du sceau de la difficulté et de la tragédie pour Hugh Miller. L’homme est très occupé et contraint de beaucoup travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Malgré tout, il trouve du temps pour continuer à publier ses écrits.
En 1854 il est pressenti pour devenir professeur de sciences naturelles à l’université d’Édimbourg. Mais c’est finalement un autre homme qui est choisi pour occuper la chaire. Le coup est rude pour Miller.

En 1855 un nouveau travail lui est offert, sensé le soulager un peu tout en lui rapportant de l’argent. Mais Miller refuse. Il se considère comme trop vieux pour apprendre un nouveau métier. Une décision admirable qui laisse entendre que, pour ce qui concerne le travail, Miller se souciait davantage de son utilité que de son salaire ou de son confort. 

À cette même période, la pression s’accroit encore sur le journaliste. Le travail est de plus en plus difficile. En outre, l’homme est soucieux pour la santé de sa femme. Il tombe lui-même malade et, pire encore, se voit de nouveau en proie à une sévère dépression. 

Le 23 décembre 1856 au soir, Miller lit une histoire à ses enfants, achève la relecture d’un de ses livres qui doit être bientôt publier, prend un bain et va se coucher. Le lendemain matin, le brave homme est retrouvé mort dans son lit. Une arme à feu à ses côtés. Près de lui se trouve une lettre : 

« Chère Lydia, 

Mon cerveau brûle. J’aurais dû marcher, mais un cauchemar m’est apparu. Je ne peux pas supporter cette horrible pensée. Que le Dieu et Père du Seigneur Jésus-Christ ait pitié de moi. Chère Lydia, chers enfants, adieux. Mon cerveau brûle à mesure que les souvenirs s’accumulent. 

Ma chère, chère femme, adieux. 

Hugh Miller »

Si ces derniers mots demeurent en partie mystérieux, une autopsie du corps mettra en lumière que Miller souffrait d’un début de maladie au cerveau.

Pour sa famille, son Église et ses amis, le choc est profond. La tristesse, indicible. Miller s’en est allé. La voix de l’Église libre n’est plus. La maladie et les langueurs de l’âme venaient d’avoir raison d’un homme qui, toute sa vie durant, a supporté plus de blessures et de douleurs que nous n’oserions l’imaginer. 

Ses funérailles seront célébrées à Édimbourg et, par les larmes qui y seront versées, rivaliseront avec celles de Chalmers. Un autre géant venait de rejoindre la patrie céleste, là où il n’y a plus ni larmes, ni souffrances.

Tableau de David Octavius Hill représentant le première assemblée générale de l’Église libre. Hugh Miller est visible, à droite de la table des secrétaires. Sur la chaire, en haut au centre de l’image, nous voyons le Dr Chalmers, premier modérateur.

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